POINT DE VUE

Le funnel de conversion est mort. Et ça change le rôle des contenus.

 

Préambule : en général, les modèles de décision sont appliqués aux actes d’achat (normal, ces réflexions sont menées par des experts du commerce). Pourtant, l’utilité de ces modèles dépasse largement des usages purement commerciaux. Car on ne décide pas que d’acheter ! On décide de rejoindre une entreprise, on décide de participer à un collectif, on décide de s’engager, on décide d’adopter un outil, on décide de changer ses habitudes… Voilà pourquoi le modèle de décision est au cœur de nombreuses stratégies éditoriales. Et qu’il ne permet pas seulement de déclencher des achats mais, bien plus largement, des actions.

S’il existait un panthéon des schémas les plus référents, les plus utilisés dans le monde, il en ferait incontestablement partie. A titre personnel, je l’ai utilisé des centaines de fois pour structurer ou éclairer une stratégie éditoriale. Je l’ai sous toute ses formes : modèle épuré ou détaillé, noir et blanc ou multicolore, appliqué à un dispositif de com’ interne ou à une stratégie de brand content. Le funnel de conversion a longtemps été le référentiel commun en matière de structuration de la communication, et en particulier des stratégies de contenus.

Plus tout à fait en phase avec la réalité, et la complexité, des usages et des écosystèmes. Mais à défaut de mieux, on s’est un peu accroché à lui. On l’a gardé sous le coude, et malgré ses limites, on le ressortait quand même, de temps en temps.

Mais voilà, c’est fini. Le funnel de conversion est mort. Après une longue agonie, il a fini par rendre l’âme. Rassurez-vous, il n’a pas souffert. Et ce n’est pas la covid 19. Non, il est mort car un nouveau modèle a vu le jour le 20 juillet 2020. Un modèle plus en phase avec la réalité, plus représentatif des expériences que nous observons ou connaissons en tant que consommateurs, utilisateurs ou simples visiteurs.

Si vous voulez de l'action, faites des contenus

Vous vous en souvenez, le funnel de conversion (RIP) présentait la prise de décision sous forme de séquences successives – découverte, attention, considération, action. Dans ce modèle, l’articulation entre la publicité et les contenus semblait alors assez simple : charge à la pub de capter l’attention et d’éveiller l’intérêt, puis c’était au tour des contenus de prendre le relai pour renforcer la considération, puis pousser à l’action. C’était fluide. C’était beau. C’était faux.

Avec le modèle du messy middle, la prise de décision est représentée comme une expérience globale, dans laquelle l’exposition à la marque, aux marques, est permanente. Et cette exposition est décisive, comme le rappellent les experts qui ont bâti le modèle : la seule présence de la marque au moment de la décision peut lui faire emporter la mise. Conséquence : pour maximiser l’exposition sans exploser les coûts (et devenir insupportables), les marques doivent mobiliser des leviers complémentaires à la publicité.

Voilà pourquoi les contenus sont devenus ces dernières années le centre de gravité d’un nombre croissant de stratégies de communication (aka stratégie de contenus « always on »). Ce schéma du messy middle ne fait finalement qu’éclairer, a posteriori, cette évolution.

Multipliez les présences, pas les comptes.

Être présent, on vient de le voir, c’est important. Décisif, même. Mais démultiplier sa présence, ça ne veut pas dire être partout, et être partout de la même façon. Pour optimiser sa présence et organiser son écosystème, il faut faire la distinction entre canaux stratégiques et canaux tactiques.

Les canaux stratégiques sont les canaux qui jalonnent les grandes étapes du parcours de décision (exposition et triggers / exploration et évaluation / action) de votre audience. Au nombre de 3 maximum, ces canaux doivent être investis de manière propriétaire (owned), avec une animation éditoriale claire, ambitieuse et pérenne.

Les canaux tactiques, quant à eux, sont les canaux qui vous permettent d’étendre, de manière plus ou moins ponctuelle, votre couverture de la cible (plateformes sociales, médias…). Ils ne méritent pas le même investissement et la même mobilisation dans la durée : ce sont des leviers à activer en fonction de vos besoins (et de vos budgets), sous la forme de contenus sponsorisés, de partenariats éditoriaux ou influenceurs.

Le combat n’est plus de convaincre mais créer des rencontres
Ne soyez pas possessif, soyez marquant.

Influencé par la logique de funnel, on a longtemps essayé d’enfermer le visiteur dans un entonnoir pour l’amener, pas après pas, à prendre une décision. Et à cette fin, on a donné aux contenus pour objectif de retenir le visiteur et de le convaincre, argument après argument, clic après clic, de prendre la bonne décision. Mais voilà. La réalité est différente.

Dans un messy middle où le visiteur explore, passe, repart, compare, oublie, revient, le combat n’est plus de convaincre pour emporter la décision sur le coup. C’est un combat perdu d’avance. C’est plutôt de créer des rencontres – même brèves – qui vont marquer votre cible. La toucher. Des rencontres qui vont lui laisser une trace qui va l’accompagner tout au long de ses explorations, de ses évaluations. Et lui faire prendre, in fine, la bonne décision.

Marquer plutôt que convaincre, ça change sacrément les choses en matière d’approche, d’expérience, de design et, évidemment, de contenus. Ça veut dire miser sur l’affect, sur l’émotion, plus que sur la raison. Ça veut dire exprimer sa personnalité, plutôt que son intelligence ou sa performance. C’est facile à dire, pas toujours à faire. Sortir des discours corporate, des schémas mentaux confortables, des contenus de compromis, des catalogues de messages, c’est difficile. Et d’autant plus quand c’est pour explorer un terrain aussi subjectif que celui des émotions : de la joie, de la surprise, de la colère, de la fierté, de la peur. C’est difficile pour les clients, d’abord, pour les agences, aussi. Mais c’est bien parce que c’est difficile que ça peut faire la différence.

Et vous, ce modèle de messy middle, il vous parle ? Il vous dit quoi ?

 

Thomas Barret

Directeur d’activité
Management des contenus

thomas.barret@agencebabel.com